Embrasement







Commentaires

  1. Rien que d'y penser, il s'embrase. Il a dix neuf ans et sa vie va changer. Il le sait du plus profond de son âme. Il a suffi que son regard croise la lumière de deux yeux dorés pour qu'il s'embrase tout entier. Il a chaud quand il y repense. Il a chaud tout le temps, donc. Il brûle parfois d'une euphorie naïve, faite de dialogues romantiques et de baisers de cinéma. Mais ses joues lui cuisent, dans ses moments d'angoisse. Il n'est pas bien beau, après tout. Elle a sûrement été polie, malgré sa lourdeur mais aurait préféré qu'il aille l'acheter son fichu code civil.
    Au lieu de ça, il a passé une éternité à la raconter comme un poème.
    Bougre de crétin romantique. Il a une jolie fée dans la tête et il perd tout sens de la mesure. Voilà qu'il a chaud et qu' il tremble en même temps. Comment fait-on pour ne pas exploser quand on aime aussi fort?...
    Aimer? Oui... Il l'aime. Ça le met en transe. On est vendredi soir et l'impatience est déjà à son comble... Attendre lundi... Dormir tout le week-end pour ne pas voir le temps passer... Non, sortir jusqu'à pas d'heure, plutôt... Mais après, ressembler à un croque-mort mordu par un vampire... Mauvais plan...soupir...
    Le manque. Sa façon de se coiffer, ses boucles d'oreilles de voyoute, son effronterie taquine. L'or de ses yeux, la gourmandise de ses lèvres, l'intelligence de ses remarques.
    Son parfum, ses courbes, son petit grain de folie.
    Voilà quinze fois qu' on l'appelle à table. Pas faim. Enfin si, mais d'elle, en fait.
    Est ce qu' elle voudra le revoir? Est ce qu' elle l'écoutera?
    Qu'on lui permette seulement de s'assoir avec elle et ce sera le début du bonheur.
    Rien que d'y penser, il s'embrase.


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  2. Samedi... Déjà une nuit de passée. Ce soir, c'est décidé, il ressort. Il se fera chambrer par ses potes, ça c'est certain. Il a passé la soirée d'hier à leur parler d'elle. S'occuper l'esprit, il n'y a que ça qui marche, pour oublier le manque, l'impatience, l'angoisse.
    Il classe ses cours de la semaine et jette un œil sur ses cas pratiques. Pas moyen de les résoudre sans un bon code civil. Il se reprend à sourire niaisement. Il n'a pas de code civil parce qu'il n'a pas réussi à la quitter à temps sur le parvis de la B.U, trop occupé à graver son image de fée au fond de sa rétine.
    Elle aussi est restée.
    Son cœur s'emballe à cette idée. Le feu lui monte au visage. Elle n'a montré aucune impatience à partir. Au contraire, elle aussi a joué à "je n'ai pas envie de partir".
    Devoir attendre lundi pour la revoir est une torture. Douce, acide, délicieusement douloureuse, mais une torture quand même.
    Assis à son bureau sous la fenêtre de toit, il imagine sa journée à elle.
    Il s'invente des histoires dans lesquelles il apparaît au détour d'une rue, d'un rayon de magasin, voire à sa porte...
    L'angoisse l'étreint. Comment réagirait-elle?
    Elle le trouverait collant et lourd, c'est certain. D'ailleurs, c'est probablement déjà un peu le cas. Question subtilité, chez les trolls, éventuellement, il pourrait passer pour un pro.
    Lundi, il essaiera d'être plus mesuré. Si elle veut bien lui parler.
    Avec un soupir d'une résolution qui préférerait qu'on la laisse en dehors de ça, il se lève et part se trouver une occupation.
    De toute façon, il l'a dans la peau, dans le cœur, dans la tête, quoi qu'il fasse, il pense à elle. Rien qu'à elle.
    Et rien que d'y penser, il s'embrase.

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  3. Rarement un dimanche aura été aussi interminable. Même sa prise de tête avec sa mère au sujet de ses sorties n'a pas réussi à le détourner de l'objet de ses pensées.
    Si la préparation de sa valise de la semaine l'a rendu un peu fébrile, ça n'a pas duré longtemps et, assez vite, la torpeur d'une attente trop longue l'a de nouveau anesthésié.
    D'habitude, le trajet en train est une bonne occasion de lire, de se plonger presque hermétiquement dans des aventures trépidantes. Mais ce soir, il n'a même pas eu envie de se forcer. Le livre est resté ouvert comme un bâillement, il a relu une cinquantaine de fois le même paragraphe avant de capituler, vaincu par un manque de concentration qui aurait rendu jaloux les membres de l'orchestre du Titanique.
    L'air frais, de la gare jusqu'à son studio, l'a un peu réveillé... enfin, juste assez pour ranger ses affaires et se préparer à manger.
    Tard dans la soirée, assis sur le rebord de sa grande fenêtre, il savoure lentement chaque taffe du Drum de sa roulée. Il contemple les lumières de Fontaine-Argent et celles de la Citadelle, en songeant que la nuit s'annonce compliquée. Il a l'esprit plus clair mais son cœur fait des bonds dès qu'il pense à elle et à ses yeux.
    Il envisage le bonheur de peut-être la revoir demain, de peut-être la respirer à nouveau, l'entendre, lui parler, lui dire...
    Et s'il ne la voit pas? Comment tenir un jour de plus sans défaillir?!
    Mais s'il la voit, qu'est ce qu'il va bien pouvoir lui dire?
    Il le sait déjà, toute la nuit, ça va tourner dans son crâne et son cœur cognera jusqu'à ce qu'il s'effondre, vaincu par la fatigue.
    Mais penser à elle le ramène à ce soir où, tous les deux, ils n'ont pas réussi à se quitter. Refermant sa fenêtre, le souvenir de cette connivence lui donne le sourire. Demain, mardi, plus tard, il le sait, ils auront plaisir à se retrouver et sûrement des tas de choses à se dire... ou à faire... et le voilà qui s'embrase à nouveau.

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  4. Lundi.
    Dix-neuf ans, c’est peu pour être affirmatif, néanmoins il n’hésite pas à dire qu’il n’y a pas de plus beau jour dans sa vie que celui-là!
    Peut-être que quelque part, au fond de lui, une petite voix tendre lui laisse entendre qu’il ne sera pas à court d’autres plus beaux jours avant longtemps mais il ne l’entend guère, à cause du son assourdissant de ses battements de cœur.
    Ils se sont vus.
    Elle l’a rejoint à la B.U où il était installé exprès, attendant fébrilement de déceler sa présence. Elle a souri en le voyant et il s’est embrasé aussitôt.
    La fraicheur de sa joue, son parfum et son regard sans équivoque, qui disait combien elle aussi était impatiente de le revoir, ont eu raison de ses craintes.
    Alors, sans peur, sans honte, avec une joie féroce et cette espièglerie qu’ils allaient apprendre à aimer l’un chez l’autre, il lui a parlé, écrit et même dessiné.
    Elle a été surprise qu’il se livre aussi intimement et surtout aussi tôt avec autant de conviction. Mais ça ne lui a pas fait peur.
    Leurs mains se sont jointes et il a fondu de bonheur.
    Il faut un début à tout et la force du courant qui passe alors entre eux à chaque regard l’entraîne vers des horizons si lointains qu’il n’a aucun doute sur la solidité de l’histoire qu’ils viennent de commencer tous les deux.
    Ils sont sortis main dans la main. Il a eu l’impression que le monde n’était pas tout à fait le même.
    Elle a remarqué sa timidité. Il en meurt d’envie, elle le voit bien, mais il n’ose pas franchir le pas.
    C’est elle qui posera pour la première fois ses lèvres sur les siennes. Ce faisant, c’est la clé de son monde qu’elle lui a confiée.

    Elle lui fera découvrir Boris Vian, lui fera lire l’Enchanteur. Il réécoutera Téléphone et Thiéfaine. Pour elle il arrêtera la clope et accordera sa vie à l’idéal qu’ils forgeront ensemble, il en a la certitude.
    Il passera le temps, en cours, en repérant sur l’horloge les heures magiques qu’elle lui a appris à reconnaître et en dessinant les rêves qu’elle lui inspire.
    Sa petite voiture à elle va devenir leur carrosse, son studio à lui, le palais de l’empire sur lequel elle règnera : son cœur à lui, ses pensées, son corps...
    13 novembre 1995, ils ont dix-neuf ans et lorsqu’ils se frôlent, ils s’embrasent.

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  5. 26 novembre 2017
    Bonne fête Ô amour.

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