A la tombée de la nuit

Les branches nues des arbres semblent vouloir s'emparer du clocher...



Commentaires

  1. Saisie un soir de décembre, à la nuit tombante d’une fin d’automne, la photographie encadre l’église fortifiée de Chatenois (Bas-Rhin), bourg médiéval de la route des vins qui a connu les émeutes sanglantes des rustauds au XVI siècle.

    Delphine était partie à la recherche des secrets que pourrait révéler la nuit si on l’y poussait à l’aide des prismes qui accompagnent désormais l’artiste.
    Elle offre à notre regard une vision de l’intérieur depuis l’extérieur, de la lumière depuis la nuit.

    En tant que grand fan des écrits de Terry Pratchett (RIP), cette image m'évoque immédiatement l'Überwald, pays montagneux peuplé de vampires et de lycanthropes, et surtout par toute une population qui en subit le joug. Cette géographie fantastique est pour ce génial auteur britannique, l'occasion d'une satire des vieilles nations cloîtrées sur leurs traditions ancestrales, prétextes à l'exploitation des masses par les mêmes éternels nantis... Au sens littéral, eu égard à l'âge des nantis, en la circonstance. ;)

    De façon moins personnelle, on convoquera les images d’Épinal du Samain ou de la nuit de Walpurgis (n’en était la date), tels que convents et sabbats, monstres de la nuit convoitant l’âme, le sang ou l’or des bons bourgeois, au chaud dans la lumière de leurs maisons et à l’abri sous celle du divin protecteur.

    Les pierres des Remparts, rendues apparentes, renforcent cette vision de protection contre une menace incarnée par les ténébreuses branches qui semblent naître de la nuit même.
    La nuit justement, personnage à part entière de l’histoire, s’allonge encore à l’époque où cette photographie a été saisie et sourde du premier plan, envahissant le tableau, comme en désir de conquête ou par convoitise d’un peu de chaleur. C’est en tout cas le sentiment que l’artiste partage avec nous.
    Le choix de la couleur du ciel, filtrée, apporte un fond paisible, presque magique à un second plan dans lequel le cadrage centre la lumière, presque la flamme, abritée par les murs et les toits.

    La flamme, car après tout, la lumière y luit d’une manière étrange, elle aussi, à tel point qu’on pourrait pousser l’interprétation jusqu’à voir le bourg déjà en feu.

    En cherchant qui serait alors la menace, on transformerait l’image d’une nuit paisible d’avant Noël, dont la chaleur et la lumière tiennent la nuit et ses goules hors les murs, en une nuit de révolte durant laquelle les croquants franchissent les portes et provoquent par la violence le renversement de leur condition. Le clocher, toujours central, devient alors le symbole de l’oppression dans la lutte des rustauds contre leurs maîtres.

    Une nouvelle fois, la force évocatrice du talent de Delphine est capable de proposer au regard, à la fois une course de l’ombre à la lumière et inversement, mais aussi un cheminement interprétatif passionnant et totalement ouvert.
    En toute objectivité…

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    1. Que voilà une belle inspiration !
      L'art et la manière de faire ressortir tant d'idées que je ne réfléchis pas au moment où j'appuie sur le bouton... Mais qui, en les lisant, paraissent finalement, si ce n'est évidentes, au moins criantes de vérité !
      Merci pour cet oeil objectif, qui voit aussi au travers de mon objectif !!! :o)

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  2. Si j'ai la manière, ç'est bien ton art qui m'inspire. Merci pour ce compliment.

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