Crépuscule




Commentaires

  1. Hiver 2018, fin d'après-midi, plaine du Grand Ried en Centre Alsace, à l'orée de l'Illwald.

    L'écosystème particulier de ces prés inondables, hérités du grand Rhin du passé géologique de la région, réserve à cette époque de l'année notamment, des paysages merveilleux faits de miroirs et de vapeurs, de jeux d'illusions et de reflets, en une palette de couleurs féériques.
    Forets immuables, vastes étendues d’eau stagnante… dissimulée par l’apparente immobilité du sujet, la beauté peut toutefois être multiple, au gré des variations de la lumière et du prisme à travers lequel on choisit de la contempler.

    L'image proposée ici en est un parfait exemple.
    Ce paysage éphémère a été saisi à l'orée de l'heure bleue, quand la lumière capricieuse de la journée le cède aux ombres du soir, en offrant un dernier spectacle de couleurs, peignant, en guise de revanche, les rideaux de nuages qui voilent souvent sa représentation en cette saison.
    Crépuscule, avènement des ténèbres d’une nuit d’hiver, on peut pourtant y voir un hommage à la vie qui parera ces champs et ces bois de leurs propres couleurs, ressourcés par cette poésie hivernale peut-être autant que par les alluvions dont leur sol se gorge.
    Cette dualité de vision, contraste de sens qui sous-tend souvent les œuvres de Delphine, inverse tout aussi bien le sens de lecture de la photographie : pourquoi pas l’aurore, à l’ouest de l’ouest ? Le point de fuite devient alors le point de départ. On contemple alors un contrepoint à cette crue, Flux et reflux, qui nourrit la terre autant que l’imaginaire.

    Par son travail tout en nuances sur les contrastes, l’artiste apporte au regard la richesse d’un ciel de Boudin (Eugène…) ou de Jongkind mais aussi l’énergie d’un Turner, notamment grâce à la tension créée sur les dimensions, en particulier le ciel infini reflété dans un miroir d’eau fermé. Le jeu de contraste sur les plans participe pleinement à ce mouvement. L’image est captée depuis la terre ferme, couverte de feuilles mortes, zone presque neutre (couleurs, pénombre, sujet…) quand tout se passe au-delà de la frontière du normal.
    Il y a donc un sens de lecture, une aspiration du regard vers la fuite de la lumière, le « crépuscule », mais il peut être discuté. Plus encore, il peut s’épanouir détail par détail, en une éclosion d’images autonomes. On prend alors conscience des lignes qui dynamisent le sujet, des plans imbriqués par un cadrage subtil, qui tient de l'orfèvrerie.
    Comme un bijou composé de plusieurs gemmes, le paysage global se voit subdivisé en différents tableaux tout aussi évocateurs. Leurs histoires propres sont comme les partitions, voire les mouvements d’une symphonie. La cohérence globale s’en trouve renforcée, la lumière démultipliée, l’œil de l’artiste diffractant l’image, transcendant les dimensions.

    Par le jeu des variations et la subtilité de sa palette, Delphine, imagicienne de talent, offre une fois de plus une de ses œuvres à la puissance évocatrice telle, que « d’aucun » pourrait s’y noyer.
    En toute objectivité…

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    Réponses
    1. En toute objectivité, que voilà un beau commentaire ! ;-)

      Plus sérieusement, merci pour ce rappel scientifique de ce que sont ces grands prés du Ried qui chaque hiver se voient disparaître sous les eaux. Ce rappel qui nous permet de mieux comprendre ta vision de cette image et ton interprétation, en partie.

      Les références artistiques sont plus que flatteuses, c'est là que la question de l'objectivité se pose ! :-p

      Mais encore une fois, merci de poser tes mots sur mes images, qui me font les (re)découvrir avec d'autres yeux.

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