Urbex - Retour au fort : street art




Commentaires

  1. Été 2018, au cours d'une chaude matinée : retour au Fort pour un test d’objectif dans un lieu qui s’y prête à merveille. Longs couloirs et vastes salles s’y imbriquent dans une alternance de ténèbres et de lumière qui constituent un défi d’orientation autant que de technique pour un photographe.

    C’est dans ce labyrinthe, qu’elle commence à aussi bien connaître que son guide, que notre artiste nous ouvre à nouveau les yeux sur l’étrange beauté des œuvres humaines, faite de temporalité autant que d’appropriations.

    Comme tous ces bâtiments militaires, le fort a été construit pour durer, résister à la fois aux bombes et aux ravages du temps. C’est ce qui en fait une ruine moderne éminemment exploitable, qu’on soit fêtard, qu’on aime jouer à la guerre, graffer ou prendre des photos…
    Cette pièce particulière est une sorte de point nodale du parcours. La structure de béton armé (témoins de deux périodes d’occupation, française puis allemande) y fait une sorte de sarcophage à la maçonnerie d’origine. Les murs à la peinture souvent presque effacée sont aujourd’hui le support des traditionnels graffitis que suscite ce genre de lieux.
    Cette antichambre mène vers l’extérieur et la grande esplanade, vers un couloir et des chambrées en surface ou vers les souterrains obscurs et humides qui conduisent aux fossés, aux bâtiments défensifs des saillants et à une tourelle.
    La largeur du plan et l’angle de vue restituent la vision du labyrinthe, portes et angles, pénombre et lumière. L’étrangeté de l’image, due à l’effet de déformation de l’objectif, en renforce l’impression mythologique qui ressort du sujet. Nul ossement pour nous faire craindre le minotaure en ces lieux, mais une fois de plus, l’expression de la dualité qui toujours sous-tend le travail de Delphine.
    Les ténèbres sont reléguées, emprisonnées au bord de l’image mais elles sont bien là, source de craintes ancestrales, aspirant le regard et interrogeant la curiosité. La lumière et la sortie sont au centre, l’espace et l’horizon ne sont pas loin.
    Ainsi, présents au cœur d’un temple du passé, Carna, le guide (on n’est plus à un paradoxe près) mène Janus, le double regard, à travers les portes et les arches, de passages en cavernes. Et cette métaphore tirée de la mythologie gréco-romaine exprime tout autant la permanence que la modernité du propos.
    Si les codes ne sont plus les mêmes, les fresques ornant les murs n’ont plus la même esthétique, l’urbex de Delphine transforme les vestiges modernes en œuvres archéologiques.

    Le plan et le point de vue offrent un panorama qui ne trouve son sens que dans le choix du grand angle. L’audacieuse distorsion produite par le fisheye apporte une singularité qui déforme la réalité mais ouvre l’imaginaire, par une lecture rendue presque circulaire. Le cadrage offre des contrastes et des similitudes (lumière et ténèbres toutes aussi floues, netteté des murs, pourtant déformés…) qui dessinent les contours de ce jeu des paradoxes que Delphine aime confronter.

    Image présente d’un héritage du passé, on peut tout autant y percevoir le temps qui passe qu’un timide désir d’éternité.
    En toute objectivité...

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    1. ha oui, on s'amuse bien, dans le fort avec le fisheye !
      Je n'avais pas pensé au parallèle avec la mythologie gréco-romaine, mais pourquoi pas, le lieu s'y prête bien.

      Merci, en tout cas, encore, pour cette interprétation sur le regard que je porte sur les choses, même si ce n'est pas franchement conscient !

      En toute subjectivité...

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    2. L'objectivité ne s'attache qu'à ton talent indéniable pour susciter l'émotion, éveiller l'imaginaire et provoquer la réflexion.
      Quant aux interprétations... hé bien... chacun sa réappropriation ^^ !

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